• Quelques mois à rattraper...

    Bien occupée ces derniers temps, j'ai délaissé cette fenêtre ouverte sur nos aventures. C'est plutôt bon signe, non? Entre temps, si j'ai oublié de te souhaiter une bonne année 2016, je me rattrape et te souhaite une bonne année du Singe de feu! 

    Nous venons de fêter le Têt, l'équivalent du nouvel an chinois. Le Vietnam comme la Chine, mille an d'invasion ça laisse des traces, s'arrête pendant une semaine. Cette fête, aussi importante qu'est Noël pour nous, a son Avent, sa fête des Génies du foyer, ses rituels préparatifs dont le grand nettoyage (parce qu'après le Têt, on évitera de balayer les bons esprits), les décorations florales et illuminations jusqu'à l'arrivée du jour du Têt! L'occasion pour les familles de se retrouver, manger beaucoup, beaucoup, beaucoup notamment des petits pains de riz et de viande enveloppés dans des feuilles de bananier cuits à la vapeur, pas mauvais. Crois-moi l'appétit des Vietnamiens est insatiable! Je ne suis même pas sûre que Papa réussirait à les suivre!

    Quelques mois à rattraper...

    David et les enfants étaient en congé, nous sommes donc partis 10 jours au Cambodge. Destination facile qui nous faisait rêver et nous a conquis! Ce n'est pas un mythe, les cambodgiens sont souriants et d'une gentillesse attachante. Nous avons aimé leur douceur, leur bienveillance notamment à l'égard des enfants, leur joie, c'est fou ce qu'ils aiment rire! Notre guide Sophana, petite dame de "62 ans de face, 16 ans de dos" pleine d'humour, nous a raconté l'histoire de sa famille à notre demande. Famille de riches intellectuels, qui a subi l'oppression et la purge des khmers rouges. Tous furent emmenés de force à la campagne, laissant derrière eux ce qu'ils possédaient, leurs souvenirs, leur vie. Sa grand mère avait eu le temps d'emporté ses bijoux, ce qui leur a permis de survivre en troquant des pierres contre des bols de riz. Son papa a été rapidement fusillé, comme l'ensemble de leurs amis. Sa maman est aujourd'hui disciple de Bouddha, elle espère toujours retrouver le lieu où son mari a été tué. Durant 3 ans, 8 mois et 3 jours - la précision m'a marquée - elle nous raconte les travaux forcés, la douleur, les mains en sang, le dos brisé le soir venu. Sur le chemin, Sophana nous montre comment à partir d'une feuille d'ananas, sa mère tirait des fils, les mâchait longuement pour les assouplir et les utilisait ensuite pour raccommoder les vêtements. Les khmers rouges les ayant évidemment habillés, 1 vêtement pas personne, et rendus esclaves. Elle avait 22 ans et la volonté de vivre, "il ne fallait pas plier le genou". Un soir, son ami qui avait eu le malheur d'avouer qu'il savait lire, a été emmené dans la jungle poussé par l'arme d'un gamin qu'il pointait dans son dos. Pour économiser une balle, le môme frappa la nuque de son prisonnier. Au petit matin, l'ami de Sophana s'étonna d'être vivant et se cacha dans la forêt pendant plus de 2 ans. Affamé, la peau sur les os, il fut sauvé par les vietnamiens, entrés dans le pays pour mettre une raclée aux khmers rouges, las des incursions régulières en territoire Vietnamien. Ils se sont retrouvés, se sont mariés et ont eu deux enfants. Un soir, sa voiture a sauté sur une mine en rentrant du marché. Où la tragédie de ce peuple s'arrête t-elle? Je suis interpellée par sa sagesse, elle nous raconte ce passé, sans haine, comme accepté. "Il fallait être fous pour trancher la gorge des bébés devant leur mère, devant d'autres gamins... il y a encore des khmers rouges"nous dit-elle "mais il est temps de faire la paix, les procès ne servent à rien". Sophana s'est remariée avec un homme, veuf et père de 7 enfants qu'elle a élevés comme les siens. Elle est aujourd'hui arrière grand mère, heureuse et souriante. Belle leçon de vie...

    Les cambodgiens sont sans conteste le produit d'une histoire dure, nourrie de religion : la résignation, l'acceptation de son karma, aussi funeste soit-il, le fatalisme khmer, le pardon bouddhiste, la réincarnation... tout cela change totalement la perception de la vie. Je comprends dès lors un peu mieux leur sérénité. Ceux qui les ont massacrés seront jugés dans une autre vie.

    Naturellement les cambodgiens que nous avons rencontrés nous ont poussés à l'humilité. Nos chagrins futiles contre leur quotidien, pas égaux.

    Notre périple a été varié, il en fallait pour tous de Siem Reap, les temples d'Angkor, le lac Tonlé Sap, la campagne à Sihanouk ville et les îles  et surtout la pêche! Personne n'est pêcheur dans la famille mais les enfants adooooorent! Prochain cadeau, une canne à pêche de voyage. Maman, je te préviens Gaspard a déjà prévu de pêcher dans la marre de Villers l'été prochain. Préviens la mairie, l'ami est patient...

    Grands moments à Siem Reap, une "petite" ville qui se modernise bénéficiant du tourisme des temples d'Angkor, 3 millions par an, tout de même... Le site est un peu l'emblème et la consolation d'un peuple humilié, Angkor Wat flotte d'ailleurs sur le drapeau du pays. C'est époustouflant de beauté, de mystère (bien d'accord avec toi Bernadette :-), je pensais à tes quelques mots une fois sur place). J'aime ressentir ces instants suspendus quand nos yeux découvrent ensemble la beauté d'un site, qui plus est lorsque la magie opère. Nous étions partis vers 5h30 du matin pour admirer le levé du soleil sur le temple d'Angkor Wat. Les enfants avaient quelques difficultés à comprendre l'intérêt, "c'est nul les vieilles pierres..." et puis voilà. Je crois que j'ai pris autant de plaisir à les observer : "c'est donc ça une merveille du monde..."

    Note aux mamans de Geeks:  si tu crois que ton enfant ne s'intéresse à rien d'autre que sa tablette, détrompe-toi. Tu serais bien étonnée de le voir construire la réplique d'un temple sur Minecraft, CQFD, sous ses airs de "j'en ai rien à faire", le Geek enregistre des images...

    Quelques mois à rattraper...

    Angkor Wat, le site principal, Merveille du monde.

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Le temple Bayon, un des plus beaux temples du site d'Angkor. Nous avons été totalement séduits par les visages des Bouddhas, des Apsaras, ces nymphes très élégantes sculptées dans la pierre, 1000 ans de beauté qui s'offrent à nos yeux, on imagine leur danse envoutante, leur grâce et féminité.

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Mon petit côté éco-touriste nous a amené à visiter ce village du Lac Tonlé Sap et participer par conséquent à la préservation de sa réserve ornithologique. L'association Osmose grâce à laquelle nous avons passé cette superbe journée, protège une zone dans laquelle les pêcheurs sont interdits et l'ouvre aux touristes - nous étions les seuls, évidemment pas de chinois à l'horizon. Les pêcheurs avaient pris l'habitude de prélever les œufs des oiseaux, les considérant comme de sérieux rivaux et mettaient en danger des espèces endémiques. L'association réalise un travaille d'éducation auprès des pêcheurs sédentaires justifiant l'intérêt écologique et le bénéfice économique de préserver la zone. Osmose soutient ainsi 100 familles pauvres, les aide à monter des élevages familiaux de poissons ce qui permet aux enfants d'être scolarisés, les femmes tissent des jacinthes d'eau pour en faire de jolis paniers, chapeaux, boîtes, etc. vendus aux touristes. C'est beau, c'est unique et c'est utile. La réserve est riche, les oiseaux étaient très nombreux, majestueux, les pélicans magnifiques et autres géants dont j'ai oublié le nom, les enfants ont été enchantés!

    Jumelles vissées sur le nez!

    Quelques mois à rattraper...

    Le Lac Tonlé Sap est extraordinaire, immense territoire immergé, il quadruple de volume durant la saison des pluies, le courant du Mékong s'inversant, il remonte alors dans le centre du pays et alimente le lac. Les villages flottants se déplacent alors sur d'autres zones. Cependant depuis deux ans, les 11 barages chinois construits ou en cours sur la rivière Mékong influencent considérablement le cours naturel du fleuve et mettent en danger l'équilibre du Lac, insuffisamment alimenté. Les Chinois canalisent également une partie des eaux venant de l'Himalaya, oh! le Tibet justement... dans le but d'abreuver les mégapoles comme Shanghai, Pékin... via des canaux-autoroutes. La gestion partagée des fleuves internationaux, prochain focus après le réchauffement climatique? Devine qui sera la "vedette"?

    J'avoue que j'ai été frappée par la pauvreté des villages flottants, particulièrement le vécu des pêcheurs vietnamiens, nomades suivant le cours du Mékong qu'ils remontent jusqu'au lac. Ils vivent en famille sur des barques couvertes, les enfants sont nus, livrés à eux mêmes la journée sur quelques mètres carrés pour courir, dormir, manger, jouer. Nous savions que le Cambodge était un des pays les plus pauvres de l'Asie du Sud-Est, avec le Laos, mais approcher la misère interpelle nos consciences d'occidentaux gâtés. 

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Cette femme est assise sur un petit parc à poissons. Il existe également des parcs à crocodiles, juste un peu plus solides, au cas où...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    L'eau du lac est source de vie, on la boit, on s'y lave, on pêche, on jette, on rejette...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Après les temples, la détente... Oui je sais le contraste est saisissant! Là j'avoue c'était trop beau! Une île d'une beauté sauvage qu'on aimerait garder pour soi.. Bon, y a toujours un Gremlins pour venir t'ennuyer...

    Quelques mois à rattraper...

     Quelques mois à rattraper...

    La plage c'est très sympa mais ce qui est encore plus chouette c'est la pêche. Et là, on a marqué des points. David avait loué un bateau de pêcheur - avec les gars du coin évidemment, et nous sommes partis une journée à faire le tour des îles, snorkeling, pêche et barbecue...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Quelques mois à rattraper...

    Voilà Maman... si tu te demandes si on va bien, si on est heureux, n'aies vraiment aucun doute. Ah! Et si tu hésites encore à venir visiter la région, là j'avoue que je vais commencer à désespérer. Je te donne plus de détails en MP (ne te demande pas qui est cette Marie Paule, MP, Message Privé...).

    Avant de te quitter, juste une petite actualité et tu comprendras mieux le silence des dernières semaines. Je travaille désormais pour un des magazines de la communauté francophone. L'équipe de L'Echo des rizières cherchait du renfort, je voulais participer à un projet, apprendre quelque chose, pourquoi pas le journalisme. Je voulais travailler en équipe, faire de belles rencontres, j'aime écrire... Le privilège d'un média est de faciliter la rencontre des gens qui se distinguent. J'avoue que les premières interviews ne m'ont pas déçues notamment ces quatre jeunes français de 20 à 28 ans d'une éloquence étonnante, d'une ouverture incroyable faisant le tour du monde de l'inter religieux. Exemplaires dans la composition de l'équipe, une juive, une chrétienne, un musulman et une athée, ils sont partis depuis juillet 2015 pour un périple de 9 mois, traversant 32 pays à la recherche des initiatives de cohésion sociale, d'exemples de "vivre ensemble" malgré ses différences ethniques ou religieuses. Ils sont passés par la Croatie, la Russie, Israël, la Lybie, le Rwanda...observant les efforts de paix, les rapprochements entre communautés qui s'entretuaient hier, voire même encore aujourd'hui. J'étais bluffée d'apprendre qu'une autre jeunesse que celle nourrissant la médiatisation du conflit israélo-palestinien, était capable d'inventer pour se rapprocher, en dépit des difficultés politiques et même physiques. Pourquoi ne parle t-on jamais des efforts de paix de cette population lasse des grands discours, rêve encore de paix et agit? La volonté de ces 4 jeunes de construire une société sur la différence pour l'enrichir et non pas imposer à l'autre sa culture, ses codes, sa religion. Construire sur la différence. Je trouve que le message de laïcité et de fraternité sonne juste, en écho à l'actualité, aux attentats, au drame des réfugiés... A ce propos, la compassion en République s'appelle la fraternité, je me demande aujourd'hui où sont ceux qui s'indignaient de voir ce petit Aylan, le visage dans le sable, un enfant de 3 ans, rejeté sur une de nos plages?

    oui, la conviction de ces 4 jeunes renforce la nôtre: la volonté d'aller vers de nouvelles cultures, de pousser les enfants dans des écoles internationales, côtoyer des enfants de 32 nationalités et de 10 religions différentes fera d'eux je l'espère des adultes sans frontière, ouverts, sans haine et sans crainte de la différence et au contraire cherchant à s'en enrichir pour s'interroger soi même, douter, se remettre en cause... La méconnaissance de l'autre est une source de fabulations, la plus dangereuse qui soit.

    Sur ces bonnes paroles, je te laisse réfléchir :-) et tu peux aussi me laisser un MP, ici ou là : aude.lamory@Yahoo.fr

     

    A bientôt!

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :